« PROLA », la carrière de porphyre oubliée
« PROLA », la carrière de porphyre oubliée
Sur ces 2 cartes postales qui datent des années 50/60, à l’emplacement de l’actuel Village de CAP ESTEREL on aperçoit des tas de remblais et un front de taille.
J’ai voulu en savoir plus, voici mes recherches sur la provenance de ces déchets et l’histoire de la carrière PROLA.
Extrait de la carte d’EA MARTEL réalisée en 1909 pour le Touring Club de France
1926 – source iGN
La carrière PROLA et son embarcadère dans l’anse PROLA , actuellement la plage du Pourousset.
1944 – source IGN
La carrière PROLA et la carrière EST du Dramont avec les logements des carriers.
La carrière se situait à gauche de l’actuelle station d’épuration de la CAVEM, côté Dramont.
Après extraction et taille, l’accès à la mer se faisait uniquement par le tunnel sous la ligne PLM construite en 1983. (flèche rouge)
A l’ouverture de CAP ESTEREL, il était possible d’emprunter ce tunnel pour se rendre directement à la plage du Pourrousset. C’était très rapide, cet accès à ensuite été fermé pour des questions de sécurité.
Les pavés et dalles étaient chargées sur des voiliers via une estacade sur poteaux de fer, avec un système de rails à voie étroite.
En arrière plan, sur la droite : le Château d’Agay.
L’estacade coté Dramont – On aperçoit en arrière-plan la Villa Les Cigales. Des wagonnets Decauville étaient utilisés pour le chargement des tartanes, qui partaient vers Marseille et l’Italie.
Les restes de la carrière en 2024
Les tartanes au Dramont – Saint Raphael Journal 09-1889
Antoine Prola rachète la carrière en faillite en 1888 (source JP Herreyres) à Antoine Pozzi d’Antibes.
Antoine Prola est né 1849 en Italie, dans le Piémont. Il est tailleur de pierre.
Il se marie en 1876 avec Clarisse Ivaldi (18 ans) .
Clarisse est la fille du fermier du château du Castellas
QUELQUES CHIFFRES :
>> 1895 : extraction de 2000 T avec 10 ouvriers
>>1898 , extraction de 3500 tonnes avec 20 ouvriers
Certificat d’essais de résistance à l’usure, le porphyre du Pourrousset est le plus résistant.
Il est signé par l’Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées / Directeur du Laboratoire
Archive Pierre Prola
Ce porphyre bleu de l’ESTEREL, est appelée Esterellite en 1896 par Auguste Michel LEVY .
C’est une roche magmatique essentiellement présente dans le massif de l’ESTEREL. (entre Agay et le Dramont)
Antoine Prola décède en 1910.
La carrière a dû être très rentable car de son vivant Antoine achète le domaine de Curebaisse( 44 ha) au dessus de Fréjus, et il fait construire la Villa Esterella sur la plage d’Agay.
La carrière compte alors environ 100 ouvriers (source Pierre Prola) Ils travaillent 48 heures par semaine, 6 jours sur 7.
Son fils Fortuné âgé de 21 ans est maitre carrier, il poursuit l’activité jusqu’au partage des biens en 1913.
Les biens sont répartis entre sa femme et ses 4 enfants : Elisabeth, Fortuné, Armand et Victor.
L’entreprise sera ensuite cédée en 1922 à son jeune frère Victor (camionneur) âgé de 31 ans.
En 1932, les carrières sont ensuite rachetées par la SA des carrières de Porphyre de Saint Raphael. Une voie Decauville est aménagée pour transporter les pavés par wagonnet jusqu’à la carrière Cornet
Photo Maison des Carriers
1954 – Photo IGN
1940 cession de l’exploitation de la carrière PROLA. (source Maurice Polvérini)
Il m’a été rapporté que la carrière à l’abandon était en « libre service » , les habitants d’Agay venant se servir en profitant du matériel « prêté » par les carriers du Dramont.
Les énormes remblais que l’on aperçoit sur les premières photos on du être utilisé comme fondation des diverses routes de CAP ESTEREL.
1976 – les carrières ne sont plus exploitées à partir de 1959. Les carrières se transforment et deviennent les lacs actuels, le village des carriers a été démoli, et en 1968 les carriers logés dans les HLM du Dramont, la carrière PROLA a disparu.
1982 : la société d’exploitation des carrières du Dramont vend les terrains à la Société d’aménagement du Dramont ( SDA – Pierre & Vavances )
1990 : inauguration de la première tranche du Village de CAP ESTEREL – photo IGN
« Mon père est né en 1900 en Italie. Il a travaillé à la carrière PROLA. Il habitait une des douzaines de petites maisons construites autour de la carrière.
Il n’y avait ni eau, ni électricité, seulement un puit pour l’eau potable.
Quand je suis né, en 1926, mes parents étaient tellement pauvres qu’ils ne pouvaient m’acheter un berceau. Mon père a utilisé une caisse en bois remplie d’algues séchées ramassées sur la plage, cette histoire m’a été racontée par une de mes tantes »
Les carriers du Dramont – document Famille POLVERINI – non datée.
SOURCES / LIVRES
2014 – L’Histoire de la Cité ouvrière du Dramont par JP HERREYRE – Edition Société d’Histoire de Fréjus.
Hors -série N° 19 / Epuisé
1966- L’Esterel et le massif du Tanneron – Pierre BORNET – Edition Hermann
Livre rare
La Maison des Carriers ouverte au Dramont en 2022.
124 boulevard de la Division texas – Le Dramont –
Entrée Libre.
Extraordinaire collection de photographies aériennes.
Un immense MERCI à :
- Céline BOMPAR-FIORI
- Charles LAUGIER qui m’a mis en contact avec Pierre Prola
- Pierre Prola, pour le prêt de ses archives familiales
- René ZUCCO et Antoine Bertrani, pour la conservation de la mémoire des carriers
Et à mon grand ami Louis Polvérini, « la mémoire d’Agay« , « toujours prêt à répondre à mes nombreuses demandes et à partager généreusement ses souvenirs intacts.
Philippe Pons